Exemple d’agroforesterie : la plantation de café Na Madame

7 juin 2023
Na Madame, propriétaire de la plantation dans laquelle Chacun Son Café cultive du café de haute qualité en agroforesterie

Poussant à l’origine à l’état sauvage, le caféier fait aujourd’hui l’objet d’une culture intensive dans de nombreuses régions du monde. Cela afin de répondre à une demande particulièrement élevée de café, l’un des produits les plus échangés. Bon nombre de caféiculteurs, notamment certaines grandes fermes brésiliennes et péruviennes, misent ainsi sur des méthodes de culture visant à augmenter les rendements et à accroître la productivité. Des pratiques qui affectent à la longue l’environnement et qui ne sont pas vraiment tournées vers l’avenir ! 

Heureusement, certaines exploitations ont choisi un modèle de culture permettant une meilleure utilisation des ressources afin de restaurer l’écosystème et produire un café plus durable : l’agroforesterie. La plantation Na Madame exploitée par Chacun Son Café en association avec la coopérative Terra Noun au Cameroun en est un exemple. Focus !

L’agroforesterie, comment ça marche ?

Système de gestion des ressources naturelles, l’agroforesterie désigne un mode de production agricole associant plusieurs cultures sur une unique parcelle d’exploitation agricole, que ce soit en bordure ou en plein champ. 

Dans le cas de la caféiculture, le système agroforestier vise à intégrer une plantation de café au cœur d’une forêt. À l’inverse, des arbres et d’autres cultures peuvent être plantés au milieu des parcelles de caféiers. En Éthiopie, considéré comme le berceau du café, l’agroforesterie n’est aucunement une innovation de ces dernières années. Les caféiculteurs misent en effet depuis toujours sur des techniques et un savoir-faire ancestraux basés sur l’association des forêts et des caféiers. 

Le système agroforestier vise principalement à recréer l’équilibre de l’écosystème le mieux adapté pour combler les besoins des caféiers. Plus l’écosystème est équilibré, plus il résistera aux sécheresses, érosions et changements climatiques. Le but de ce mode de culture est de produire un café responsable et de préserver l’environnement.

Avantages et inconvénients de l’agroforesterie

Permettant l’exploitation conjointe et raisonnée de la forêt ainsi que des terres agricoles et/ou d’élevage, l’agroforesterie offre de multiples avantages. Ce mode d’agriculture permet entre autres de :

  • Améliorer la biodiversité : la culture des caféiers en agroforesterie permet de protéger le terroir, mais aussi de préserver la faune et la flore.
  • Développer un microclimat avec une humidité et une température constante, protégeant ainsi les productions agricoles des aléas climatiques.
  • Enrichir les sols avec des matières organiques naturelles ou l’humus.
  • Supprimer ou limiter fortement l’utilisation de pesticides.
  • Améliorer la qualité des récoltes grâce à une cueillette manuelle des cerises de café et à la culture sous ombrage. Les cerises de café mûrissent lentement, développant ainsi plus de sucrosité. 
  • Lutter contre le changement climatique : les arbres disposent d’une capacité élevée de séquestration du carbone, aidant ainsi à réduire les gaz à effet de serre. 

Par ailleurs, la culture en agroforesterie permet de réduire le risque de réchauffement de la planète et de restaurer la fertilité des sols pour les cultures vivrières. La diversification des productions agricoles permet aussi d’améliorer la nutrition humaine. 

Cependant, ce mode de production agricole est confronté à différents défis et inconvénients, notamment :

  • Conscience limitée des avantages du système agroforestier ;
  • Retour sur investissement intervenant seulement après plusieurs années ;
  • Besoin en main d’œuvre élevé notamment en période de récolte ;
  • Incitation à l’agriculture commerciale comme la production en monoculture.

L’exemple du café Na Madame

Différentes plantations de café ont adopté le modèle agroforestier pour leur production, à l’exemple de la plantation Na Madame. 

Système agroforestier au coeur de la plantation Na Madame

  • Combien d’hectares pour la plantation ?

Pour la mise en place de plantations de café en agroforesterie, le nombre d’hectares varie en fonction de la taille de l’exploitation, mais le mode de culture manuel s’applique davantage à de petites surfaces. Dans le cas de Na Madame, la plantation, associant arbres et plants de café, s’étend sur 3 ha. 

  • Comment les arbres sont-ils choisis ? 

Pour créer un système de culture de caféiers en agroforesterie dans la plantation Na Madame, Chacun Son Café sélectionne minutieusement les arbres. Comme dans toutes les fermes privilégiant le système agroforestier, les arbres d’ombrage, allant jusqu’à 40 m de haut, à la canopée plus ou moins large, sont privilégiés. 

Les bananiers, avocatiers et manguiers sont également des arbres de couverture (moins hauts que les arbres d’ombrage) et qui procurent des revenus additionnels ; leur feuillage améliore effectivement la litière des sols.

La plantation Na Madame cultive également des plantes fixatrices d’azote dites légumineuses comme le leucenae et les haricots nains. Leur feuillage contribue à diversifier les apports en litière, idéale pour la création d’un humus favorisant la fertilité du sol.

  • Comment les arbres sont-ils plantés ?

Au sein de la plantation Na Madame, la culture des arbres s’effectue en étages :

  1. Le dernier étage est composé d’arbres d’ombrage fixateurs d’azote ;

2. L’étage intermédiaire, culminant à une dizaine de mètres de hauteur, est constitué d’arbres fournissant de l’ombrage et permettant l’enrichissement du sol en humus ;

3. Le premier étage est constitué de caféiers, culminant à environ 2 mètres du sol. 

4. Un étage au sol avec des plantes fixatrices d’azote aussi ou des tubercules qui est utilisé dans l’alimentation humaine.  

  • Quel coût pour planter un arbre ?

Le budget alloué à un projet d’agroforesterie varie en fonction du type d’exploitation. Le coût d’un hectare agroforestier dépend de l’essence, et varie de 200 à 500 €.

Les bénéfices pour les producteurs et l’écosystème

L’agroforesterie est un système de production agricole bénéfique aussi bien pour les producteurs que pour l’écosystème. Ce mode d’agriculture permet aux caféiculteurs de diversifier leurs revenus. En plus du café, ils peuvent commercialiser les récoltes des arbres fruitiers plantés sur leurs parcelles. Le bois d’ouvrage constitue un autre produit issu des arbres plantés dans le cadre d’un système de production en agroforesterie. Au bout de 10 à 15 ans, certaines essences peuvent être coupées et transformées en bois d’ouvrage. Pour chaque arbre coupé, les caféiculteurs doivent en replanter un nouveau pour réduire le risque de déforestation et altérer l’effet d’ombrage sur la caféière. L’agroforesterie contribue ainsi à réduire la pauvreté grâce à l’accroissement de la production de bois ainsi que d’autres produits.

Au niveau de l’écosystème, la plantation de café suivant le modèle de l’agroforesterie permet d’augmenter la teneur en éléments nutritifs des sols, favorable à la croissance des caféiers. L’enrichissement en matière organique naturelle et l’association de plantes fixatrices d’azote améliorent grandement la qualité des sols. La plantation d’arbres contribue également à réduire les risques d’érosion. La présence d’arbres sur les parcelles de caféier augmente aussi la capacité du sol à absorber l’eau. Les racines filtrent et retiennent l’eau, maintenant un niveau d’humidité constant au niveau des parcelles de café les préservant de l’assèchement. 

Quelles sont les limites de l’agroforesterie ? 

Le système agroforestier présente quelques limites :

  • La concurrence entre les espèces d’arbre choisis et les caféiers en matière de ressource en nutriments et en eau, mais aussi concernant l’ensoleillement. Le choix des essences d’arbre ainsi que leur emplacement doivent ainsi être bien pensés en tenant compte des objectifs d’exploitation.
  • L’espace disponible. Bien que les plantations d’arbres occupent peu d’espace (2 à 8 % d’une parcelle), les petites exploitations ne disposent pas forcément d’assez d’espace. Cependant, il existe différents systèmes agroforestiers permettant à chaque agriculteur de s’adapter.

Les associations françaises d’agroforesterie

Depuis 2007, l’Association Française d’Agroforesterie accompagne les acteurs du monde agricole pour mettre en place une agriculture plus fertile, que ce soit au niveau du sol ou du paysage. Cette association met en œuvre diverses actions pour accélérer la transition agroécologique dans les différents territoires de l’Hexagone (recherche et développement, formation, animation territoriale, etc.).

L’APAF, association pour la promotion des arbres fertilitaires, de l’agroforesterie et la foresterie à vocation internationale a été créée en 1992 et est basée au Togo. Elle à beaucoup œuvré pour la promotion de l’agroforesterie.