Crédit carbone : greenwashing ou vraie solution pour le climat ?
2 avril 2023La réduction des émissions de gaz à effet de serre devient plus que jamais urgente pour essayer d’atténuer les effets du changement climatique. Chaque entité, acteur socioéconomique, entreprise, et même citoyen, doit prendre des mesures pour réduire l’impact environnemental de ses activités. Les mesures passent par la réduction de l’empreinte carbone, soit en réduisant les émissions de CO2, soit en achetant du crédit carbone. La filière café peut être un bon exemple d’agriculture durable qui tient compte du bilan carbone des activités liées à la production, le commerce et la distribution de produits café. L’adoption du commerce équitable et de l’agriculture durable comprend plusieurs initiatives environnementales telles que le projet de reforestation, la traçabilité du café et la compensation carbone, des valeurs auxquelles adhère Chacun Son Café. La culture du café est synonyme de déforestation dans certains pays producteurs. Alors, le crédit carbone est-il une vraie solution pour le climat ?
Les crédits carbone : comment ça marche ?
Qu’est-ce que le crédit carbone ? Comment fonctionne le marché du carbone ? Voici des éléments de réponse.
Définition et fonctionnement du marché du carbone
Le protocole de Kyoto, traité mondial sur le changement climatique, a permis d’établir les bases permettant à plusieurs pays industrialisés d’atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Des limites d’émissions ont été définies pour chacun des pays concernés. Ainsi, pour une tonne de CO2 évitée, ou séquestrée (grâce notamment à la reforestation), l’entité concernée obtient un crédit carbone.
Les entreprises peuvent s’appuyer sur le principe de la compensation de carbone pour assurer leur neutralité carbone. Il s’agit de financer un ou plusieurs projets visant, soit :
- À réduire les émissions de gaz à effet de serre ou GES ;
- À les séquestrer dans les puits de carbone (forêts, etc.) ;
- À éviter leur rejet dans l’atmosphère (projet d’évitement).
Les entreprises peuvent également « acheter des crédits carbone » auprès d’autres entités qui en possèdent. C’est ainsi qu’un véritable marché du carbone s’est mis en place. Actuellement, les termes contribution carbone remplacent progressivement ceux de compensation carbone. Concrètement, un crédit carbone est une unité de mesure équivalant à une tonne de CO2.
Les avantages et les limites des crédits carbone
L’instauration du marché du carbone permet à chaque acteur économique ou simple citoyen d’agir pour l’environnement en cumulant ou en achetant du crédit carbone. Acheter des crédits carbone montre aussi l’engagement des entreprises en faveur de la protection de l’environnement. Il ne faut pas non plus oublier que le crédit carbone constitue un excellent moyen pour financer des projets visant à réduire les émissions de CO2.
Néanmoins, le développement croissant des énergies renouvelables et des solutions écologiques a engendré une hausse excessive des quotas d’émission de CO2 (plafond d’émissions) ayant entraîné une chute des prix du carbone. Au lieu de réduire leurs propres émissions de GES, les entreprises ont tendance à acheter du crédit carbone devenu « bon marché ». Conséquence, les rejets de polluants ont progressé dans plusieurs secteurs d’activité au lieu de régresser.
Les différents types de crédit carbone
Les crédits carbone peuvent être classés en fonction des projets qu’ils soutiennent :
- Évitement des émissions de CO2 : ils rassemblent les projets favorisant le développement des énergies vertes, ou renouvelables, et ceux qui visent à rendre plus efficiente l’utilisation de l’énergie ;
- Séquestration du carbone : l’objectif est ici de réduire directement la quantité de CO2 présente dans l’air en créant des puits de carbone. L’agriculture basée sur la reforestation en fait partie, ainsi que le captage direct du CO2 et son stockage permanent à l’aide d’une technologie dédiée (séquestration via une méthode industrielle).
La filière café et les crédits carbone
Dans certaines zones de la planète, la production de café entraîne une réduction des superficies des forêts, donnant à cette filière une image négative. Pour optimiser leur bilan carbone et obtenir une certification environnementale, les producteurs adoptent une série de mesures.
Les initiatives environnementales des producteurs de café de spécialité
Le café de spécialité – café d’exception de qualité supérieure – gagne en popularité. Les critères d’un café de spécialité sont :
- La traçabilité du café : le pays d’origine, la région et même la coopérative productrice du café ainsi que l’année de récolte doivent être retraçables. En outre, la traçabilité du café a pour objectif la valorisation du travail des producteurs locaux ;
- Les exigences qualitatives à l’aide de la note de qualité : une note est attribuée à chaque café de spécialité. Elle tient compte de plusieurs critères physiques (absence de défauts au niveau des grains) et organoleptiques (goût, arôme, texture en fin de bouche, équilibre, acidité, etc.) ;
- La durabilité : le café de spécialité doit privilégier la production durable, respectueuse de l’environnement et des producteurs locaux. Outre la qualité et la traçabilité du café de spécialité, sa certification environnementale constitue ainsi un autre critère à mettre en avant.
La certification environnementale : Rainforest Alliance, UTZ, Fairtrade, etc.
Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se soucier de l’aspect social et environnemental des produits qu’ils achètent, et c’est particulièrement valable pour le café. Les cafés labellisés ont le vent en poupe et il existe plusieurs certifications permettant de les distinguer.
- Rainforest Alliance / UTZ : il s’agit d’un label d’agriculture durable basé sur les aspects social, environnemental et économique. Cette certification environnementale encourage notamment la bonne gestion de la traçabilité du café et la valorisation des conditions de vie ainsi que le statut des producteurs ;
- Faitrade Max Havelaar : ce label garantit notamment que le producteur reçoit un salaire décent, que son activité est pérenne et qu’elle favorise le développement de la communauté locale ;
- Agriculture biologique : le label AB signifie que les engrais chimiques synthétiques et les pesticides sont totalement interdits dans le processus de production tout en privilégiant la biodiversité.
La traçabilité du café et les enjeux de la durabilité
La traçabilité du café de spécialité permet de s’assurer que le produit correspond aux critères de qualité, mais elle implique aussi le respect des critères de durabilité. Le concept d’agriculture durable est encore plus fortement valorisé dans ce contexte de traçabilité :
- En veillant sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des producteurs ;
- En optant pour des pratiques d’agriculture responsables ;
- En valorisant les communautés locales dont la survie dépend de la production de café.
Les projets de reforestation et de séquestration du carbone dans la filière café
La séquestration de carbone et la reforestation font partie des initiatives environnementales mises en œuvre dans la filière café, et ayant pour but la réduction des émissions des gaz à effet de serre.
Les projets de reforestation et de plantation d’arbres
Les cultures de café sont associées à des plantations d’arbres pour limiter la déforestation, préserver les écosystèmes locaux ainsi que la biodiversité, tout en insistant sur le volet social (augmentation des revenus des cultivateurs, etc.). Voici quelques exemples de projets d’agroforesterie et de reforestation :
- Terra Noun au Cameroun : ce projet de la coopérative Terra Noun productrice de café de spécialité inclut la reforestation des surfaces dédiées à la production de café tout en préservant la forêt existante ;
- Plantations d’arbres dans la Selva Centrale au Pérou : plus de 100 000 plants d’arbres ont été plantés dans les zones de culture de café des producteurs de la Selva Centrale. Les actions visent notamment à préserver les ressources d’eau, à récupérer les sols et générer des revenus pour les familles.
La séquestration du carbone dans les sols
Elle a pour objectif de capter le CO2 présent dans l’atmosphère en employant divers moyens. Parmi ces derniers figurent l’agroforesterie, la pratique d’une agriculture durable, le choix de cultures permettant la conservation des sols grâce aux plantes de couverture.
Les enjeux de la compensation carbone pour la filière café
La production de café étant une filière émettrice de GAS, son empreinte carbone [lien vers l’article « empreinte carbone du café »] n’est donc pas neutre. Cette constatation est particulièrement valable en ce qui concerne les capsules. Les cultures de café sont dans la plupart des cas responsables de déforestation. Les acteurs de la filière, y compris les marques, optent pour la compensation afin de proposer du café décarboné et obtenir la certification environnementale.
Crédits carbone et café : greenwashing ou vraie solution ?
Le crédit carbone est une solution efficace pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais sous certaines conditions.
Les critiques du système des crédits carbone
Certaines entités peuvent profiter des opportunités du marché du carbone en achetant du crédit carbone, afin de montrer qu’elles sont éco-responsables, alors qu’en réalité, leurs émissions polluantes continuent d’augmenter. Cela met en évidence le green washing qui vise à rendre opaque la quantité de polluants émis. Les fraudes (faux chiffres de réductions des émissions), les spéculations et le manque d’une réglementation claire sont autant d’inconvénients liés au crédit carbone.
Les alternatives et les limites de la compensation carbone
Le crédit carbone ne peut être un véritable moyen de réduction des émissions de gaz à effet de serre que s’il est obtenu dans le cadre du marché volontaire. S’il est obtenu par le biais du marché de conformité, les entreprises ont tendance à en abuser uniquement dans le but de soigner leur image de marque.
Les enjeux de la durabilité et de la responsabilité environnementale dans la filière café
La production de café dans le monde s’élève à plus de 170 millions de sacs de 60 kg par an. La culture du café occupe des surfaces importantes à l’origine de déforestation. La production de café prêt à consommer, comme les capsules et le café moulu, a un impact environnemental non négligeable. Entreprendre des actions en faveur d’une filière café durable et respectueuse de l’environnement s’avère donc nécessaire.
Conclusion
Le crédit carbone se révèle une solution envisageable pour réduire l’impact environnemental des entreprises de la filière café. À moins qu’il s’agisse d’un crédit carbone volontaire, la compensation carbone peut cependant n’être qu’une alternative de façade ayant uniquement pour but de soigner la réputation des marques sur le plan environnemental. Le choix d’un café durable et équitable, directement issu des producteurs locaux, constitue l’unique moyen d’afficher une volonté d’engagement véritable pour l’environnement.