Le choix d’un retour au terroir et à l’artisanat : cap sur le café de spécialité !
Le café de spécialité est un café au profil aromatique unique, un café d’exception qui se veut l’expression d’un terroir et du savoir-faire d’un producteur. Il intègre des exigences de traçabilité et de durabilité avec notamment l’utilisation de pratiques d’agriculture raisonnée et l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs et des communautés locales qui vivent et dépendent du café.
Le café de spécialité se distingue par une recherche de l’excellence du grain à la tasse. Chaque café se voit attribuer une fiche d’identité, au même titre que le vin, révélant un profil organoleptique riche d’arômes, de notes et de subtilités gustative. A l’image de l’œnologie se révèle la « caféologie », une expérience sensorielle où amateurs et professionnels découvrent l’univers des grands crus de café.
Mais avant de rentrer dans le détail, intéressons-nous aux origines de cette nouvelle tendance !
L’avènement de la « troisième vague » du café
A l’origine réservé aux religieux et à l’élite, le café s’est petit-à-petit répandu à toutes les couches de population. La demande mondiale a augmenté de façon exponentielle depuis le milieu du 18ème siècle, mais c’est avec l’invention en 1881 puis l’industrialisation du procédé de fabrication du « café soluble » en 1938 que s’opère une nouvelle révolution. Dès le milieu du 20ème siècle, le café entre dans toutes les maisons.
Après cette première vague de démocratisation, l’apparition des coffee shops à travers des marques comme Starbucks introduit les boissons caféinées à base d’expresso et de différentes origines dans la consommation courante. C’est la seconde vague du café.
La troisième vague, elle, a permis d’élever le café au rang de produit d’exception, valorisé par des artisans au savoir-faire unique. Elle est caractérisée par la préférence de plus en plus marquée des consommateurs pour le café de spécialité, répondant à des critères de qualité et de traçabilité stricts.
Petite histoire du café de spécialité
Le terme de « café de spécialité » apparaît aux Etats-Unis dans les années 70. La notion intègre deux caractéristiques essentielles qui seront ensuite reprises et développées par l’Association des Cafés de Spécialité (SCA), première entité à but non lucratif dédiée au café de spécialité et qui rassemble des professionnels de 40 pays issus de toute la chaîne de production – producteurs, exportateurs, importateurs, torréfacteurs, distributeurs, barista, experts.
Les deux critères fondamentaux retenus à l’époque sont la qualité et la traçabilité. Est ensuite venue s’ajouter la durabilité.
Le café de spécialité valorise la qualité
S’agissant du café, la qualité est une exigence à toutes les étapes du processus de production, depuis le semis dans un sol riche en matière organique qui permettra à la plante de produire des fruits aux saveurs uniques et en quantité suffisante, jusqu’à la préparation.
Au début des années 80, les professionnels du secteur ont identifié des paramètres permettant de mesurer le niveau de qualité de manière objective. En procédant à une analyse physique (évaluation des défauts du café) et sensorielle (évaluation des caractéristiques organoleptiques : arôme, saveur, acidité, corps, équilibre, fin de bouche), on attribue une note au café.
Les cafés de spécialité correspondent à ceux notés 80 + sur une échelle de 100. Les cafés les plus exceptionnels aux quantités très limitées (microlots, nanolots) atteignent des scores de 86 +. Tout ce qui est noté en-dessous de 80 ne rentre pas dans cette catégorie. La quantité de grains défectueux y est si importante qu’elle vient « entacher » le profil aromatique du café.
Café tout juste cueilli à la main - Guatemala Huehuetenango © EFICO
Le café de spécialité met l’accent sur la traçabilité
La recherche d’un café de spécialité implique de travailler au plus près des producteurs afin de collecter des informations permettant de donner à chaque café une fiche d’identité. Tout comme les raisins d’une même vigne peuvent donner différents crus, les cafés d’une même parcelle peuvent donner différents lots.
Il est donc nécessaire d’identifier le produit selon des critères objectifs : le terroir (région, sol, climat, relief, altitude), les variétés (dans le vin un pinot noir ne peut être confondu avec un syrah ; il en est de même pour le café et ses variété botaniques), la préparation (c’est là qu’intervient le savoir-faire spécifique d’un producteur), l’année de récolte (contrairement au vin, un sac de café ne bonifie pas en vieillissant). Autant d’éléments objectifs qui donneront à un café un profil aromatique unique.
On parle alors de café fin, de café de terroir, de café d’exception, de grands crus même ! On comprend que cette logique de « différenciation » du produit prend le contrepied de l’uniformisation de la production industrielle.
Plantation de café de spécialité © EFICO
Le café de spécialité favorise la durabilité
A ces exigences de qualité et traçabilité est peu à peu venue s’ajouter de façon explicite celle de « durabilité ». Le café est une espèce en danger, en voie de disparition.
C’est une conséquence directe, n’en disent les sceptiques, du réchauffement climatique et des pratiques d’agriculture intensive gourmandes en intrants chimiques, en pesticides et fongicides, responsables du décimage des forêts, de la disparition des sources d’eau naturelles et de la destruction de la biodiversité.
Dans ce contexte, on ne peut parler de « nouvelle vague » ou « nouvelle ère » du café sans prendre en compte le critère de durabilité, sociale et environnementale.
Cultivatrice de café de spécialité au Nicaragua © Chacun Son Café
Le café de spécialité en résumé
Le café de spécialité répond à 3 critères stricts de qualité, traçabilité et durabilité :
- Un café qui, comme le vin, a une fiche d’identité : terroir, variété, préparation, ferme, producteur, année de récolte.
- Un café issu de caféiers rares, mono-variétaux, mono-parcelaires ou micro-lots, triés sur le volet et sans défaut.
- Un café noté 80+/100 sur ses qualités physiques et sensorielles par la SCA (Specialty Coffee Association)
Le café de spécialité, en opposition au café conventionnel?
Café conventionnel et café de spécialité défendent une vision du monde complètement opposée.
Dans le premier cas, la culture du café répond essentiellement à des objectifs de productivité.
Elle se caractérise par une agriculture intensive ayant recours aux pesticides et insecticides, au sein de laquelle la quantité est préférée à la qualité et la durabilité.
Contrairement au café de spécialité, le café conventionnel n’est pas le fruit d’une recherche de l’excellence. Il ne porte pas en lui le souci, l’intérêt du « vivant ». Il n’y a pas de tri scrupuleux des cerises de café, on recueille aussi les grains de café présentant des défauts et des imperfections, car cela ne se ressentira pas au goût qui est « standard », c’est-à-dire moyen et qui convient à de nombreux consommateurs de café.
La torréfaction est un peu plus poussée en terme de température afin d’effacer les différences de goût.
Dans cette logique, les fermes de café ne sont pas valorisées comme des terroirs uniques, le café n’est pas considéré comme un produit gastronomique et les cultivateurs mettent de côté leur casquette d’artisan.
Cette logique de culture du café a mené à la situation actuelle d’un produit échangé en bourse, caractérisé par une forte volatilité, qui permet difficilement aux cultivateurs de subvenir à leurs besoins.
Dans beaucoup de pays producteurs, le café est devenu la première denrée agricole exportée et la première source d’emplois et de revenus d’une grande partie des populations. Alors, quand la valeur de la marchandise chute, brutalement ou continuellement comme c’est le cas depuis 4 ans, les conséquences sur le terrain ne se font pas attendre.
Faillite des producteurs, diminution du niveau de vie des population, chômage, abandon des terres, abandon des cultures traditionnelles, désintégration familiale, violences, délinquance, exode rural, engorgement des villes… Les jeunes générations délaissent une culture pourtant traditionnelle et nécessaire alors que la demande ne va cesser d’augmenter dans les années à venir.
Face à ces évolutions, une résistance a commencé à s’organiser : les balbutiements de ce que deviendra ensuite, le café de spécialité.
Le café de spécialité tire l'ensemble de la filière vers le haut !
Si le café de spécialité est dit « gastronomique, le « café conventionnel » n’est pas nécessairement médiocre. Et pour cause, la demande en qualité et durabilité pousse tous les acteurs de la filière café à s’aligner sur certains critères de qualité afin de produire des cafés plus qualitatif et respectueux à la fois des producteurs et de l’environnement.
Nombreux sont les acteurs ayant investi dans les certifications quand ils ne les ont pas eux-mêmes créées, preuve de bonne volonté dans la lutte pour sauver le café et améliorer les conditions des acteurs qui en dépendent.
Lire notre article décryptage des labels
Si les certifications ne sont pas parfaites, ne permettant pas à elles seules aux populations de sortir de la pauvreté ni de sauver le café des dérèglements climatiques, elles obligent à une certaine prise de conscience quant à la gestion de la production et à l’impact environnemental. Certaines réserves naturelles et sources d’eau ont certainement pu être préservées, certains avantages sociaux ont certainement été acquis par les travailleurs.
Néanmoins, les pratiques intensives n’ont pas diminué, aussi il appartient désormais au consommateur de choisir quelles méthodes il souhaite soutenir.
En conclusion
Parce qu’un café est spécial, il nécessite un traitement spécial. Avant d’arriver dans notre tasse, le café passe par de nombreuses mains habiles parmi lesquelles, celles du torréfacteur et du barista, dernier maillon de la chaîne chargé de préparer ce précieux breuvage.
Le café de spécialité requiert délicatesse, équipement adéquat et savoir-faire à tous les niveaux. C’est cette expertise, ce doigté, ce tour de main que l’on recherche pour mettre en valeur le produit, non seulement par respect pour le soin apporté par les producteurs mais aussi pour lui permettre de s’exprimer pleinement, et nous faire vivre un moment d’exception dans la dégustation de notre café.
Faire le choix du café de spécialité c’est donc à la fois privilégier une expérience gustative, gastronomique, sensorielle ; mais c’est aussi valoriser d’un savoir-faire artisan, respecter le vivant et préserver la richesse de notre biodiversité.
Plantations de café au Guatemala - Finca El Platanillo - Volcan Tajamulco (4222 m) © EFICO