Labels et certifications : comment choisir un café bio et équitable ? Décryptage.
Le constat de scandales à répétitions, inégalités et injustices sociales, déforestations dévastatrices, perte de biodiversité et effets du changement climatique liée à la consommation de produits du quotidien amène depuis quelques années les consommateurs à porter une attention toute particulière à leurs habitudes de consommation.
Cueillette manuelle du café en Indonésie
Le café n’échappe pas à cette prise de conscience avec deux points d’attention majeurs : le volet social avec la mise en place du commerce équitable et le volet environnemental avec l’agriculture biologique.
Le café biologique notamment suscite de plus en plus d’intérêt, et, bien qu’il ne concerne à l’heure actuelle que 2% du marché du café, il a le vent en poupe. D’autres labels basés sur le commerce équitable prennent quant à eux position sur des problématiques liées aux conditions de travail et à une juste rémunération des producteurs.
Devant la pluralité des labels et des causes, difficile pour le consommateur de s’y retrouver. On décrypte pour vous ce qui se cache derrière chaque label.
Pourquoi un besoin de contrôle dans le secteur du café ?
Le café est produit par 25 millions de producteurs dans plus de 80 pages situés dans la zone intertropicale. La plupart des producteurs le cultivent dans des exploitations de moins de 5 hectares. C’est le premier produit alimentaire et le deuxième bien de consommation échangé dans le monde.
Mais si le café se classe parmi les produits agricoles qui génèrent le plus de valeur en bourse, la filière se caractérise par des cours plus volatils, des revenus plus faibles pour les producteurs et une concentration du pouvoir dans les mains des négociants, des grandes marques internationales et des distributeurs. Il y a en fait dans le secteur du café un véritable problème de redistribution de la valeur.
Par ailleurs, l’exigence de rentabilité a conduit les producteurs à utiliser massivement des produits phytosanitaires et notamment du glyphosate, ce qui a eu pour conséquences une baisse de la qualité du café produit, un appauvrissement des sols, un affaiblissement des capacités de résiliences des cultures face au dérèglement du changement climatique, et une baisse des rendements impactant de plein fouet les capacités de subsistances des petits cultivateurs.
Les problématiques sociales et environnementales sont donc fortement entremêlées et interdépendantes : les labels ont vu le jour pour mettre fin aux pratiques productivistes néfastes et génératrices d’inégalités.
Café labellisé : définition
Le rapport du BASIC sur la filière café définit les cafés labellisés et / ou certifiés comme des cafés respectant un cahier des charges, interne ou externe, qui porte sur les conditions de production au niveau agronomique, social et environnemental, et qui est vérifié par un auditeur indépendant. Ils regroupent les certification dites « durables », les certifications équitables et les certifications biologiques.
Plantations de café - Guatemala Huehuetenango © EFICO
Les labels commerce équitable
Les labels de commerce équitable tels que Fairtrade Max Havelaar, Ecocert Equitable, Symbole des Producteurs Paysans ont un réel avantage : ils garantissent un cahier des charges et des pratiques plus responsables comme la transparence, le salaire payé aux producteurs, les conditions de travail ou encore le respect de l’environnement.
Par définition, “le commerce équitable est un système d'échange dont l'objectif est de proposer une plus grande équité dans le commerce conventionnel, voire une alternative à celui-ci, basée notamment sur la réappropriation des échanges marchands par ceux qui les pratiquent”.
Il permet de redonner du pouvoir aux producteurs, qui, par acquis sociaux, sont plus à mêmes d’adopter des techniques de culture durables.
Plantations de café - Nicaragua © Chacun Son Café
Le label Fairtrade Max Havelaar
Le label Fairtrade garantit, entre autres que le producteur reçoit un salaire suffisant pour son activité, que ses activités sont préfinancées, qu’il bénéficie de contrats à long terme et que le prix payé permet le développement de projets communautaires (amélioration des techniques de culture mais aussi financement d’une école, par exemple).
Le label “Fair For Life” d’Ecocert Équitable
Le label Ecocert garantit des conditions de travail décentes et sûres tout au long de la filière, un prix d’achat équitable supérieur au prix marché et un prix minimum garanti, des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et le renforcement de l’autonomie des producteurs.
Le label Symbole des Producteurs Paysans
Le label SPP a été créé par la CLAC, la fédération des producteurs latino-américains du commerce équitable. Il a la particularité d’être le premier système dont le cahier des charges appartient aux producteurs avec un contrôle délégué à des organismes accrédités externes. Les prix minimums sont fixés par les producteurs eux-mêmes en fonction des réalités vécues sur le terrain. Ils collent donc davantage à la réalité des producteurs.
Le label World Fairtrade Organization (WFO)
Ce label est porté par le réseau international des organisations de commerce équitable qui regroupe plus de 350 organisations (producteurs, importateurs, distributeurs, organisations d’appui) de 70 pays, dont 65% au Sud. Ses missions sont de développer les marchés pour les producteurs, garantir l’application des principes du commerce équitable par ses membres et mener des actions de plaidoyer.
Les principaux pays d’approvisionnement du café certifiés commerce équitables en France sont le Pérou, le Mexique, l’Indonésie, le Guatemala, la Colombie et l’Ethiopie.
Cultivateur de café - Honduras © EFICO
Les labels agriculture biologique et UTZ
Un label bio garantit principalement l’absence de pesticides et d’intrants chimiques dangereux dans les méthodes de culture, la protection de la biodiversité et le respect des conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du travail.
Il se démarque du commerce équitable en cela qu’il n’exige pas de prix minimum garanti, partant du principe que la durabilité des plantations augmentera la productivité et permettra aux producteurs d’accéder à une meilleure rémunération.
Le label Agriculture biologique (AB)
Ce label repose sur une charte européenne qui impose une interdiction totale des pesticides et engrais chimiques de synthèse. Elle tolère l’utilisation de produits d’origine naturelle à certaines conditions. Il garantit « un système de gestion agricole qui conjugue les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources, […] des méthodes de production naturelles ».
Le label Rainforest Alliance / UTZ
Pour être certifiées, les exploitations agricoles doivent satisfaire aux critères de la norme pour l’agriculture durable. La norme englobe les trois piliers de la durabilité - sociale, économique et environnementale. Ce label « stimule le commerce responsable à travers le respect de critères sociaux et environnementaux, la garantie d’une gestion efficace et professionnelle des exploitations agricoles, la sécurité alimentaire et la traçabilité ».
Le label Forest Stewardship Council® (FSC®)
Ce label est le plus important normalisateur en matière de foresterie durable au monde. Les produits portant marque FSC sont issus de forêts qui protègent les espèces menacées et les zones forestières de grande valeur pour la conservation, réservent une portion de terrain en réserve forestière, fournissent aux travailleurs des salaires décents et protéger leur capacité d'organisation, respectent les droits des communautés locales et des peuples autochtones.
Les labels auto-certifiés
Certaines entreprises développent leurs propres programmes. C’est le cas de Nestlé avec le programme AAA ou encore Starbucks avec Coffee Practices. Les objectifs sont similaires à ceux précédemment cités : la culture de cafés de haute qualité, la pérennisation de la production dans un contexte où le changement climatique affecte les plantations, l’amélioration des conditions de production de café en continu dans les exploitations, la meilleure rémunération des producteurs.
Le problème des labels auto-certifiés ?
Il s’agit d’une démarche dirigiste dont les critères sont définis par l’entreprise et non partagés par l’ensemble de la filière. C’est par ailleurs un système qui crée une interdépendance entre les cultivateurs et l’entreprise qui peut s’avérer dangereuse si celle-ci décide d’aller s’approvisionner ailleurs. Enfin, ces labels ne prévoient pas de contrôle extérieur impartial ce qui déséquilibre encore les rapports de force.
Quelle valeur accorder aux labels
Tous les labels et certifications apposés sur les paquets de café sont indépendants les uns des autres et ne donnent pas les mêmes garanties.
Un produit bio n’est pas forcément issu du commerce équitable et inversement. La complémentarité d’un label commerce équitable et agriculture biologique serait à date le meilleur compromis, permettant de fonder un modèle de résilience et de durabilité solide.
Les labels et certifications ont des effets extrêmement positifs sur la filière café.
Ils ont eu le mérite de rapprocher le producteur du consommateur, notamment par la promotion du travail du producteur.
Les caféiculteurs disposent grâce au label d’une sécurité financière avec la mise en place d’un revenu minimum garanti.
Le label donne de la valeur à leur production les rendant plus indépendants par rapport aux intermédiaires et dans la négociation des prix. Ils captent davantage de valeur, vivent mieux et sont mieux accompagnés sur les problématiques de sécurité et de durabilité.
Pour autant, ces labels et certifications sont aussi montrés du doigts à plusieurs égards. D’une part, il est difficile d’en vérifier les effets tant les origines de production sont morcelées et isolées géographiquement. La plupart des fermes sont situées dans des régions montagnardes reculées qu’il est impossible d’auditer régulièrement. Le consommateur ne sait donc pas exactement quels sont les effets de son achat.
Un autre écueil réside dans le fait que les labels et certifications créent des inégalités entre les producteurs. Certains ayant été encouragés à utiliser des produits chimiques et phytosanitaires ne peuvent accéder au label avant plusieurs années, le temps que les traces de produits chimiques utilisés intensivement depuis un certain temps disparaissent du sol de l’exploitation. Dans ce laps de temps, le producteur ne peut compter ni sur un prix minimum garanti, ni sur un rendement élevé, ce qui le place en situation de précarité.
Enfin, les tarifs des labels et certifications sont souvent une barrière d’entrée pour des petits fermiers qui n’ont pas les moyens de les acquérir, mais qui, de par leur localisation isolée et l’application de méthodes de cultures traditionnelles, en harmonie avec la biodiversité, n’ont jamais utilisé de produits chimiques et cultivent du café bio “par essence”.
C’est là qu’intervient le rôle majeur du café de spécialité.
Le café de spécialité : la meilleure alliance durabilité, équité et traçabilité
Si certains cafés “bio par essence” échappent à la traçabilité car achetés à travers la filière classique du café à des fins industrielles, une grande partie est valorisée pour sa qualité et sa durabilité.
Il s’agit du café de spécialité, noté par labellisé par la SCA (Specialty Coffee Association). Il est surveillé du grain à la tasse par des acteurs - négociants, torréfacteurs et baristas - qui ont souhaité décorréler la production du café de spécialité du cours du café en bourse. Ainsi les producteurs sont mieux payés et les standards de durabilité des cultures respectés.
Si la consommation de café de spécialité reste encore minoritaire, la forte demande des consommateurs pour un café de qualité leur faisant vivre une expérience gustative gastronomique allié à un engagement social et environnemental impactant fait croître la demande d’année en année.
Choisir un café de spécialité revient à s’assurer de la traçabilité et de la responsabilité de la chaîne de valeur du café sans forcément acheter de label.